Télétravail : « Un monde très structuré, pour laisser la place à l'humain » (2/2)

Télétravail : « Un monde très structuré, pour laisser la place à l'humain » (2/2)

Pierre Alzingre est expert de l’innovation et fondateur de l’agence Visionari, qui accompagne plus de 800 créateurs, startups, TPE et PME par an. Il livre ici sa vision d’un monde du travail en profonde mutation, de l’émergence du télétravail en Europe, et des défis à relever.

Retrouvez la première partie de cet entretien sur le blog desk.community.

Nous avons évoqué les défis du travail hybride à l’échelle de l’entreprise et à l’échelle individuelle, et vous faites le pont entre les deux en décrivant cette révolution du management qui est nécessaire.
Quel est le rôle de l’innovation pour répondre à ces défis ?

L’innovation n’est pas une fin en soi. Je parle plutôt d’amélioration continue.
J’ai lu cette semaine un article de Philippe Meda, exceptionnel. Il y explique que dans un portefeuille, on a des produits en temps de guerre et des produits en temps de paix. En temps de guerre, on doit aller très vite, avec un focus très clair. C’est une partie de mon portefeuille, car il y a urgence de faire du chiffre et de répondre à la concurrence, sans se poser la question de l’innovation.

Ensuite, il y a une autre partie de mon portefeuille, les produits en temps de paix, pour laquelle je peux chercher la créativité, l’innovation, la divergence. Il faut faire attention à ce que l’un ne prenne pas la place de l’autre.

A un moment, on a besoin d’être focus, et à un moment on a besoin d’être innovant.

La place de l’innovation est essentielle dans l’entreprise mais il faut toujours faire attention à savoir où on la met.

Il y a des services qui n’ont pas besoin d’innover, on n’y attend une chose qui est la perfection de l’exécution : McDonald’s ou Accor par exemple.

Là aussi, je pense que le télétravail est un outil d’innovation. Comme dans vos ateliers ! On peut parfaitement se réunir à distance, passer sur un Miro, un Klaxoon…

Demain, le télétravail peut réduire la charge mentale, mais également amener une diversité dans le travail, dont des séances de créativité et des temps d’innovation.

Où que se trouvent les salariés. Et sans que ça ne coûte rien à l’entreprise. L’entreprise peut tout à fait dire : demain, on est chez nous, mais voilà comment on travaille ensemble.

Je travaille sur un programme d’accompagnement à distance des entrepreneurs. On le fait depuis 2020 avec La Start-up est dans le pré : jusqu’à 70 entrepreneurs par atelier, dans des salles numériques, avec un coach qui tourne. Cela fonctionne.

desk.community est une plateforme qui permet à des salariés de télétravailler : demain ils pourront y télé-créer, ou télé-exécuter. C’est ce que l’on propose aux indépendants avec la Cafet’ Envi.

Auparavant, on disait : il nous faut un Velleda, une salle de travail et des poufs de couleur avec plein de post-its. J’adore tout cela, mais je peux parfaitement télé-créer dans ces nouveaux environnements numériques ou hybrides.

Ce que vous promouvez, télétravailler, télé-manager, télé-créer : on y est.

En résumé : l’innovation est centrale dans les entreprises, mais tout le monde n’a pas besoin d’en faire tous les jours. Le télétravail est une possibilité pour donner les moyens à n’importe quel salarié d’y participer trente minutes, une heure, deux heures, ou plus.

Comment imaginez-vous le télétravailleur ou la télétravailleuse de 2030 ?

On devra économiser un maximum d’énergie : il y aura moins de transport, et donc beaucoup plus de télétravail. Un décret qui arrive en 2024 va obliger les petites entreprises à démontrer leur impact pour travailler avec les grandes.

Un salarié aura un contrat d’objectifs, notamment en termes d’impact, de consommation, de ressources… et je pense que cela fera partie de son contrat de travail.

L’entreprise va devoir devenir vertueuse et pour intéresser ses salariés, mais également pour les « obliger ».

L’entreprise devra aller beaucoup plus vers du sens, c’est-à-dire revenir à du management. Et en même temps, avoir des exigences pour que les salariés aient des comportements plus vertueux.

Je pense qu’on aura des temps de travail beaucoup plus rythmés et des temps de participation à la création beaucoup plus importants. En 2030, on aura accès à tout : mon médecin aura accès à ma fréquence cardiaque, ma tension, mes prises de sang, quasiment en direct.

Tous ceux qui surveillent de la donnée vont gagner un temps pas possible. Les experts comptables par exemple : la facture électronique arrive en 2024, et une grande partie de leur travail sera fait automatiquement. Il faudra toujours compter les petites notes de frais, mais ça se sera sûrement amélioré.

Si je résume : des contrats d’objectifs pour prouver des impacts, par des tableaux en temps réel (« où j’en suis cette semaine dans mes déplacements »). Un rôle dans une entreprise avec des tâches bien définies. Des agendas plus éclairés.

En 2030, j’imagine un montre très structuré, très mesuré, pour laisser de la place à l’humain. Je pense que l’on ira vers Google et ses 20 % du temps de travail pour mener des projets.

On aura d’un côté énormément d’efficacité, et de l’autre, on devra donner les meilleures conditions aux salariés pour développer de nouvelles compétences, de travail en équipe, de gestion de projets complexes… c’est-à-dire les tirer vers le haut.

Après notre entretien, j’aurai une heure et demie de pure création. Ce matin, j’ai fait de la TVA et d’autres choses. Peut-être qu’en 2030, quand nous gagnerons une heure sur ce traitement de TVA, mon patron me proposera de retrouver Jean-Michel pour travailler sur tel projet de création d’un nouveau produit.

J’exécute mes produits « temps de guerre », pour être efficace face à une hyper-concurrence, et en même temps je gagne du temps pour créer de nouveaux produits, avec les autres.

« Télétravailler, télé-manager, télé-créer : on y est »

Pouvez-vous partager en exclusivité avec nos lecteurs votre « top 3 » des rituels en télétravail pour conserver un équilibre de vie ?

D’abord, une heure de jogging, impératif. Le télétravail le permet en gagnant sur le temps de transport, c’est génial.

Mon tableau Velleda. A la fin de la journée j’écris mes to-do lists pour ne rien oublier. Cela me rassure de les écrire, et j’y garde toujours une partie créative, pour m’exprimer.

Enfin, la veille. Je suis hyperactif et j’ai un vrai problème de concentration. Le télétravail peut parfois être un handicap pour moi, en ce sens. J’ai toujours un cerveau qui tourne à 200 km/h. Mon défi est de parvenir à bien cranter ma journée.

Sur Desk, si demain je peux me brancher avec mon agenda, et que je sais que dans cinquante minutes, je pourrai parler à quelqu’un de ma tribu, définir un nouvel objectif, c’est l’idéal. Comme à la machine à café de l’entreprise, l’ouverture géographique en plus.

Retrouvez nos autres articles qui explorent le travail hybride sur le blog de Desk.

Dernière modification : 2024-01-10 21h50